LA NUIT EST ENCORE DEBOUT C’EST POUR ÇA QUE JE NE DORS PAS
Le Point Commun, Annecy, 2024. En résonance de la Biennale de Lyon.
Au fil des séries, Annabelle Guetatra mène obstinément une étude du corps et de sa gestuelle. Elle décline inlassablement le même personnage esquissant des gestes chorégraphiés au cœur de rituels imaginaires, évoquant tantôt une danse macabre, tantôt une ronde d’allégresse. Le trait sobre et minutieux des silhouettes découpées dans le papier-patron tranche avec le rendu des fonds, souvent plus impulsifs et impétueux. Entre contrôle et lâcher-prise, l’ensemble génère une tension évoluant entre retenue et exultation.
Au cours de ses dernières recherches, l’artiste explore la « quête de soi » et pointe le risque d’enfermement lié à ce repli. Les postures décuplées évoquent la pluralité d’un être. Cette rengaine, à la limite de la transe, renvoie à cette introspection conduisant parfois à la perdition. Au même titre que son personnage principal, l’artiste répète une gestuelle parfois obsessionnelle pour parvenir à ses fins. La quête de soi se transforme sans transition en une recherche au-delà de soi : un sublime intérieur nous fait sortir des limites du petit ego pour nous emmener vers l’inconnu immense et indéchiffrable. Ainsi, le mot extase, du grec ekstasis, signifie exactement cela : «se tenir hors de soi ou se transcender», comme dans la pratique mystique, à travers une expérience visionnaire et une union avec le divin. L’extase n’est pas un découplage du corps et de l’âme, mais plutôt un découplage de l’âme et du moi. C’est un lieu de sympathie, d’approche de (l’)autre.
Pour Annabelle et sa pratique artistique, cette quête consiste finalement à introduire le rituel et la croyance dans sa vie ; il s’agit d’honorer et de soutenir la vie comme étant sacrée – en chantant sa chanson infinie et en dansant sa danse infinie.